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DE(S)MOTIVÉS


Motiver, tout le monde sait le faire. C’est plus compliqué de motiver quelqu’un à changer.

Il est difficilement envisageable de vouloir accompagner des personnes sédentaires vers l’activité physique régulière sans tenter de comprendre leurs motivations à l’éviter. Un des premiers défi d’un réseau Sport-Santé consiste souvent à modifier les représentations, partiellement erronées, sur le sport. Tentons de dresser un profil type de l’usager dont il est question.

Les personnes sédentaires ici décrites sont en surpoids, parfois obèses. Leur singularité ne se situe pas au niveau de leur physique mais au niveau de leur comportement. Ces patients sont sédentaires et cette sédentarité peut être à l’origine du développement d’une ou de plusieurs maladies chroniques.

Ce tableau, réducteur, permet au réseau de concevoir un accompagnement adapté. Cette nécessaire lapalissade pour souligner lourdement que le programme d’accompagnement Sport-Santé se doit d’être étroitement lié aux personnes prises en charge... un programme créé pour elles et par leurs caractéristiques. Il est donc impossible, d’établir des programmes clés en main, j’insiste.

Il est assez facile de motiver une personne à fuir un comportement qu’elle réfute naturellement. C'est d'ailleurs devenu le cas pour l'activité physique régulière. Vulgairement appelée « sport » pour ceux qui ne font et n'ont pas à faire la différence, l’activité physique est une perte de temps, un loisir inutile.

Les organisateurs et les acteurs du réseau Sport-Santé ont alors pour mission de susciter et d'entretenir l'envie de pratiquer une activité. Pour cela, chacun à son niveau, possède des armes plus ou moins efficaces. Le médecin connait et peut expliquer les effets délétères de la sédentarité sur la santé. L'éducateur sportif maitrise l’organisation de cycles et de séances entraînantes, qui jouent sur la motivation comme sur la condition physique. Le Réseau-Noyau doit faire la synthèse de ses compétences et utiliser le projet individuel de transformation pour encourager un comportement actif.

La forme du réseau Sport-Santé est elle-même un vecteur de motivation.

Prenons, pour illustrer mes propos, l’exemple de l’action Défi-Forme Santé, mise en place à Saint-Denis (93). L'association du Sport-Santé propose un cycle de douze (12) semaines, non renouvelable, durant lesquelles les adhérents peuvent participer à différentes activités, organisées ainsi :

Les usagers du réseau ont la possibilité de participer aux séances qu'ils désirent. Aucune obligation de nombre ou d'horaire de séance, aucune obligation d'activité n'est donnée. L'action étant financée en quasi-totalité par l'Agence Régionale de Santé (ARS 93), les adhérents doivent s'acquitter d'une adhésion de 10€.

Observons, pour ce programme, les éléments qui minimisent les trois freins habituellement rencontrés.

Le premier frein est la faute de temps : « Quel jour ? Le mardi ? Je ne peux pas, je dois faire les courses. Le lundi, je suis libre de 18h à 19h. Le samedi matin ? Impossible c'est le jour du football... ». La multitude des séances proposées par le programme Défi-Forme Santé permet au patient de choisir un créneau horaire adapté à son emploi du temps sans pour autant que ce choix ne devienne définitif.

Un second frein est le choix des activités. Ce frein résulte de représentations. La méconnaissance de l'activité physique, la peur d'un sport contraignant, fatiguant, fait pour les sportifs professionnels et qui doit faire mal d’une part et d’autre part, la conviction que leur maladie interdit toute activité.

Enfin, freine le montant de la cotisation. Lorsqu'un patient n'a pas l'habitude d'engager des dépenses pour ses loisirs, le prix est forcément élevé. Sans méchantes caricatures, à Saint-Denis, certains patients orientés vers le Défi-Forme Santé ont pour souci de nourrir leur famille et de satisfaire les loisirs de leurs enfants. Il n'est aucunement envisageable pour eux de dépenser une centaine d'euros dans une activité de loisir. Cela même s'il seraient capables de dépenser une somme identique dans l'achat de médicaments. Tout est une question, encore une fois, de représentations. La cotisation à 10€ permet de lever le frein pendant 12 semaines. L’expérience de ce programme a démontré qu’au sortir de ce cycle, les adhérents sont prêt à mettre plus de 200€ dans une pratique annuelle.

L'Association du Sport-Santé a donc, avant même d'encadrer les adhérents, poser les jalons d'une organisation propice à l'entrée et au maintien dans l'activité physique régulière. Imaginons pour comparer un programme «dit» Sport-Santé, uniquement destiné aux patients diabétiques de type 2, une fois par mois, le mardi soir de 18h30 à 19h15 dans un gymnase situé dans un quartier non éclairé...Vous comprendrez aisément, par cette raillerie, qu’il sera difficile de justifier son appellation "Sport-Santé, programme de santé publique à grande échelle".

Je ne m’attarderai pas sur les effets physiologiques de l’accompagnement de 12 semaines, de la fréquence de 5 séances hebdomadaires car le propos ici est organisationnel et non démonstratif des effets de l’activité physique régulière sur la condition physique. D’autant plus que l’amélioration de la condition physique est un impératif de tout projet Sport-Santé.

La durée du cycle présenté est un élément important et aura un impact sur la motivation. Le cycle unique dure 12 semaines, ce qui élimine les angoisses liées aux engagements annuels. Pour une personne inscrite, qui s'est acquittée de sa cotisation et qui a ainsi la possibilité de faire autant d'activités qu'elle le souhaite, perdre une semaine équivaut à perdre cinq possibilités de pratique. Après deux semaines perdue, cette même personne ne pourra profiter «que» de dix semaines, contrairement aux autres membres du groupe. L'être humain est un être social qui existe en se comparant aux autres. Exiger les mêmes droits et les mêmes bénéfices est normal. Ce comportement aidera l'Association du Sport-Santé à atteindre son objectif. Autre chose, au terme du cycle, notamment lorsque ce dernier prend fin en milieu d'année scolaire, une angoisse apparaît : «Mais comment continuer l'activité ?»...le réseau Défi-Forme Santé a remporté ainsi donc son challenge en construisant l’envie de poursuivre l’activité.

Bien entendu, comme indiqué dans la précédente définition du réseau Sport-Santé (Article "Définir le Sport-Santé" du 10 février dernier), l'organisation ne fait pas tout. Reste maintenant à s'accorder sur le discours, sur le trajet du patient, sur le passage du patient à l’usager, sur l'individualisation de l'accompagnement, sur l'animation des séances, sur les passerelles avec les réseaux externes au Sport-Santé, sur les trois premières semaines de pratique...mais cela sera l'objet d'un autre post...

Extrait de "Vive le sport - concevoir un réseau Sport-Santé", Lamine Camara, à paraître?


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