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Définir le Sport-Santé


Le plus difficile lorsque l’on discute, c’est de savoir de quoi l’on cause.

Le Sport-Santé est une organisation. Un réseau qui a pour objectif d'encourager la pratique d’une activité physique régulière. Ce réseau Sport-Santé s’identifie par son obsession à vouloir modifier durablement le comportement de ses usagers. Les activités proposées au sein du réseau Sport-Santé visent un objectif sanitaire. Le principe fondateur d’un tel réseau réside dans la conviction que l’activité physique régulière, incluse dans une organisation pluridisciplinaire réfléchie et adaptée, participe de la prévention de maladies, ou plus précisément de l'évitement de l'évolution de ces maladies. Ce type de réseau intègre des déterminants de l’accompagnement comme la motivation, l’observance thérapeutique, le suivi individualisé…et différents acteurs des secteurs sportifs, médicaux et paramédicaux, économiques et politiques.

La polysémie du concept de "Sport-Santé", entraîne une confusion entre le (réseau) Sport-Santé et l’(outil) activité physique adaptée. Définir le réseau par l'outil minimise la complexe organisation pluridisciplinaire. Le Sport-Santé englobe l’ensemble des actions visant l’amélioration de la condition physique de ses utilisateurs, souvent malades chroniques. Par exemple, la stratégie utilisée par le médecin traitant pour motiver son patient à « faire du sport » ou encore, la capacité des éducateurs sportifs, d’intervenants en activités physiques adaptées ou de conseillers médico-sportifs à encourager ces mêmes patients à poursuivre leurs efforts en toute autonomie, sont deux éléments importants du réseau Sport-Santé.

Ainsi donc j’ose définir le réseau Sport-Santé comme étant le travail d’une équipe pluridisciplinaire permettant une alternative aux seuls traitements médicamenteux, en accompagnant le patient à modifier son comportement de sédentaire par une pratique régulière d'activités physiques adaptées. Ceci en vue d’ améliorer sa santé.

Cette définition partielle du Sport-Santé s'étoffera avec les différentes pratiques et les nombreuses évaluations de programmes. Elle permet d’engager une réflexion active sur le travail pluridisciplinaire. La définition du Sport-Santé se complexifiera avec la taille des acteurs du réseau.

Appelons «Réseau-Noyau» l’entité la plus petite du réseau Sport-Santé, constituée de l’éducateur sportif et du médecin. L'accompagnement des patients est d'autant plus qualitatif que ce réseau basal fonctionne de manière efficiente. Le médecin est un professionnel de la santé, l'éducateur sportif de l'accompagnement. Il est important que chacun des deux acteurs respecte son champs d'intervention et de connaissances. Il n'est aucunement nécessaire pour l’intervenant en activités physiques adaptées d’accumuler des connaissances thérapeutiques qui n'aideront que partiellement sa pratique. Par contre, une connaissance des observables, liés à l’activité physique et à l’entraînement, permettront un accompagnement adapté.

Quant au médecin, son rôle est de préciser les contre-indications partielles à la pratique qui, durant l’accompagnement, évoluent en même temps que la santé du patient. Les échanges au sein de ce réseau se construisent en lien direct avec les attentes thérapeutiques, la singularité du patient accompagné, le milieu social, les activités choisies et de la durée de prise en charge. Le Réseau-Noyau fonctionne et devient efficient lorsque le médecin et l’éducateur sportif montrent une confiance professionnelle réciproque.

Se pose immédiatement la question de la formation des professionnels du Réseau-Noyau. Que doit savoir un éducateur sportif ? Sur quelles connaissances des activités physiques adaptées le médecin s’appuie t-il pour donner son aval ou pour orienter sa thérapeutique ? Quelles informations doivent circuler entre les deux acteurs ?

Reprenons l'objectif du réseau Sport-Santé ici présenté : permettre aux utilisateurs – ici les patients - d'engager une activité physique régulière en vue d'améliorer leur condition physique.

Il devient alors plus facile de déterminer les constituantes de l’accompagnement (la prise en charge allais-je dire) pluridisciplinaire. Les activités adaptées devront être régulières et intenses. Les contre-indications partielles préconisées par le médecin dicteront le niveau d'intensité, le type d’effort et les mouvements à proscrire lors des séances.

La régularité des séances, leur progressivité, l'animation et la variation des activités adaptées seront définies par l'éducateur sportif. Deux compétences doivent être exigées pour l’éducateur. La première sera sa capacité à proposer un cycle, des séances et des exercices visant à atteindre l’amélioration de la condition physique en prenant en compte les contre-indications partielles. La seconde résidera dans sa capacité à modifier son cycle, ses séances et ses exercices au regard de l’évolution des contre-indications, des observables des séances et de l’évolution du patient. L'éducateur sportif utilisera pour cela ses connaissances techniques et usera de pédagogie différenciée.

Une troisième compétence, indispensable, doit être exigée : la capacité de l'éducateur sportif à évaluer les effets de l’activité sur la santé. Certains soutiendront que l’éducateur sportif («Sport-Santé») doit se différencier par cette compétence. Je pense que cette compétence est inhérente au réseau Sport-Santé et que l’évaluation de l’action (soit-elle maitrisée par l’éducateur en charge de l’accompagnement) doit être effectuée par un organisme extérieur. L’évaluation au sein du réseau Sport-Santé doit préciser les données liées aux mouvements (orientation et devenir du patient) et à la participation effective des usagers. Elle doit permettre non pas de démontrer l’effet de l’activité sur la santé, mais servir de point d’appui pour améliorer les relations des différentes composantes du réseau.

L’éducateur sportif du Réseau-Noyau n'est ni médecin apprenti, ni semi-kinésithérapeute. Il ne diagnostique aucune pathologie et ne rééduque pas les patients. De manière analogue aux traitements médicamenteux, l’éducateur sportif et le cycle d’accompagnement Sport-Santé servent de tiers au médecin. En prenant en compte les préconisations du médecin et l’état de santé du patient, l’éducateur sportif entraîne les patients vers une activité physique, adaptée, régulière et intense.

La prise en charge idéale en Sport-Santé pour un patient serait celle dispensée en dehors de l’établissement de soin, conjointe avec d’autres personnes, pas forcément malades. Elle serait idéale car elle permettrait au patient de (re)devenir un pratiquant et faciliterait ainsi la pérennité de l’activité physique engagée.

De plus, la caractère non médicalisée de l’activité permet d'éviter pour le patient comme pour les professionnels le possible amalgame entre les corps de métiers : éducateur sportif ou kinésithérapeute ? intervenant spécialisé en activités physiques adaptées ou kinésithérapeute du sport ?

Ceci-dit, commencer l’accompagnement des patients à l'hôpital fait partie du projet global . Cette première étape de «mise à l’étrier» est nécessaire pour les patients les plus éloignés de la vraie-vie. Mais l'idée d'une activité en dehors de l'hôpital et d’un réseau-noyau de ville, doit faire son chemin dans l'esprit du patient pour pouvoir atteindre l’objectif d’autonomie.

Le médecin du réseau Sport-Santé doit posséder également au moins deux compétences. La première réside dans sa capacité à identifier les contre-indications partielles au regard de pathologies, souvent intriquées. La seconde compétence réside dans l'adaptation des traitements au regard des évolutions comportementales et physiologiques, dues à la pratique de plus en plus régulière de ses patients. L'adaptation se fera progressivement. Les réseaux Sport-Santé s'appuient aujourd’hui sur les compétences des médecins du sport. Formés aux complexités des maladies intriquées et des pathologies liées à l'entraînement, les médecins du sport sont les interlocuteurs légitimes entre le monde du sport et celui de la santé.

Le certificat de contre-indication partielles doit rester simple de compréhension pour le triptyque médecin-éducateur sportif-patient. N’indiquant ni diagnostic médical, ni information sur les traitements, il permet au médecin, dans un premier temps, de faire comprendre au patient comme à l'intervenant en activités physiques adaptées, les interdictions formelles. Il est important de s'accorder du temps au sein du Réseau-Noyau pour définir les éléments constitutifs de ce type de certificat.

Le réseau Sport-Santé commence donc par la rédaction, au sein du Réseau-Noyau, du certificat de contre indications partielles.

De manière pratique, le Sport-Santé utilise des activités physiques adaptées à l'état de forme physique, psychologique et social de la personne accompagnée. Bien que cette vision du sport-santé soit incomplète, nous ne traiterons ici que de la tendance actuelle : les malades chroniques et personnes sédentaires (en surpoids).

Il serait réducteur de considérer le Sport-Santé comme l'activité des uniques diabétiques ou des personnes en surpoids et des « faibles ». Ce serait réducteur, stigmatisant...et complètement faux. Comme la vision minimaliste qui encourage les personnes en surpoids à ne faire que des activités de gymnastique douce ou autres activités associées permettant de se sentir bien dans son « gros » corps. Proposer un projet de Sport-Santé aux personnes diabétiques doit leur permettre d’augmenter de manière significative leurs dépenses énergétiques quotidiennes pour faire comprendre le lien entre activité physique, alimentation et traitements médicamenteux. L'exemple du diabète est excellent car il illustre aisément cette relation. Par extension, la compréhension des effets de la dépense énergétique sur la santé reste bénéfique pour l'ensemble des personnes sédentaires, malades chroniques ou non.

Ainsi, vouloir faire du Sport-Santé, c'est commencer par créer un Réseau-Noyau. C’est rédiger, au sein de ce Réseau-Noyau, un certificat médical de contre-indications partielles, dépourvu de diagnostic et compréhensible par l’éducateur sportif et le patient. S’ensuit, l’étape de prise en charge, d’accompagnement des patients. Deux points sont à réfléchir : la conception du programme d’accompagnement et l’animation de séances d’activités physique adaptées.

Cette conception du Sport-Santé «de ville» peut parfois s’opposer à la conception que je nommerai Sport-Santé «de plateau technique». Sans connotations péjoratives, cette appellation vise à définir les programmes scientifiques de l’amélioration de la condition physique. Malheureusement, par nature, ces deux visions non opposables peinent à s’accepter l’une l’autre.

Indispensable à la pérennité et à la validation de la prise en charge de patients par l’activité physique adaptée, l’organisation de plateau possède les vertues de la recherche scientifique. La pratique de plateau maîtrise les variables d’encadrement. Les protocoles qu’elle propose s’appuient sur des bases scientifiques solides et la réalisation ne peut être que standardisée, sinon réfutable. Ceux qui aiment opposer cette conception à celle du Sport-Santé de ville insiste sur la rigueur scientifique et, de ce fait, ils n’ont pas tout à fait tort.

Par ailleurs, le Sport-Santé de ville doit mettre en oeuvre des programmes réalisables à grande échelle. Des programmes de santé publique. Davantage axés sur la capacité à maintenir dans en activité (adaptée) que sur la validité scientifique, ces programmes se basent sur la recherche et les résultats scientifiques. L’évaluation scientifique de ces programmes doit alimenter les recherches de plateau. Recherches qui permettront de modifier les prises en charge. L’un alimente l’autre, l’autre alimente l’un.

Ainsi donc, Sport-Santé de ville et de plateau ne sont pas opposés mais bien complémentaires. Il serait réducteur de dire que l’une est plus scientifique que l’autre, que l’autre est moins couteuse et plus efficiente, que théorie et pratique ne sont pas interconnectés. Le conflit possible entre ces deux organisations prend davantage naissance dans le besoin de reconnaissance ou de leadership de l’un sur l’autre, lié aux enjeux économiques, que de volonté d’efficience ou d’amélioration de la prise en charge par l’activité physique.

S’ensuivent (ou précèdent) les réflexions autour du coût de la prise en charge. Les crédits alloués à la prévention primaires sont-ils dans la même enveloppe que ceux de la recherche ? Le Sport-Santé de plateau peut-il mener des actions de santé publique ? Est-ce le rôle du Sport-Santé de ville de s’auto-évaluer avec des outils de plus en plus fiables et ainsi de créer des mini-plateaux scientifiques ?

L’efficience voudrait une collaboration entre Sport-Santé de ville et de plateau. En effet, si le Sport-Santé de plateau évalue l’action de ville. Cette évaluation indépendante indique le degrés d’efficacité du programme. Bien entendu les réalisation de ville sont obligatoirement issues de apports de la recherche de plateau. L’un alimente l’autre, l’autre alimente l’un.

Extrait de "Vive le sport - concevoir un réseau Sport-Santé", Lamine Camara, à paraître?

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